iGFM (Dakar) Comme chaque année, les musulmans jeûnent durant le mois du Ramadan. Parmi eux, de nombreux footballeurs de haut niveau qui doivent être capables de concilier cette pratique religieuse avec des activités physiques intenses. Ce qui n’est pas chose aisée.Cette année, et comme depuis plusieurs saisons maintenant, le mois du ramadan tombe lors de compétitions importantes. Il y a quelque temps, ce mois sacré (le quatrième pilier de l’Islam) se déroulait en pleine Coupe du monde et surtout en plein été. Sur ce point, on peut dire que les joueurs de football sont un peu épargnés cette année. Si les horaires de coupure du jeûne sont encore relativement tardifs (le soleil se couchera au maximum aux alentours de 21h30), les températures devraient être beaucoup plus supportables que par le passé où certains joueurs devaient tenir sous des chaleurs avoisinant les 40 degrés. Mais toujours est-il que les exigences physiques du football professionnel – et encore plus celles des dernières années avec l’accumulation des matches – mettent le corps de ces athlètes de haut niveau à rude épreuve. Alors comment réussir à concilier pratique de haut niveau avec le ramadan pour ces sportifs ? Comment le vivent-ils ? Comment les clubs encadrent-ils les joueurs ? Comment sont-ils préparés physiquement ? Sont-ils capables d’être aussi performants qu’à leur habitude ? Voici autant de questions qui ont le mérite d’être posées.Cette année, et comme depuis plusieurs saisons maintenant, le mois du ramadan tombe lors de compétitions importantes. Il y a quelque temps, ce mois sacré (le quatrième pilier de l’Islam) se déroulait en pleine Coupe du monde et surtout en plein été. Sur ce point, on peut dire que les joueurs de football sont un peu épargnés cette année. Si les horaires de coupure du jeûne sont encore relativement tardifs (le soleil se couchera au maximum aux alentours de 21h30), les températures devraient être beaucoup plus supportables que par le passé où certains joueurs devaient tenir sous des chaleurs avoisinant les 40 degrés. Mais toujours est-il que les exigences physiques du football professionnel – et encore plus celles des dernières années avec l’accumulation des matches – mettent le corps de ces athlètes de haut niveau à rude épreuve. Alors comment réussir à concilier pratique de haut niveau avec le ramadan pour ces sportifs ? Comment le vivent-ils ? Comment les clubs encadrent-ils les joueurs ? Comment sont-ils préparés physiquement ? Sont-ils capables d’être aussi performants qu’à leur habitude ? Voici autant de questions qui ont le mérite d’être posées.Pour commencer, il y a une notion importante à prendre en compte lorsque l’on évoque le ramadan: l’aspect spirituel. Le ramadan est un mois béni, où les musulmans sont en parfaite harmonie avec eux-mêmes, où ils se sentent souvent mieux que le reste de l’année. Il n’est pas rare de voir des sportifs être bien dans leur tête et avoir parfois un supplément d’âme au moment de fouler les pelouses, ce qui réduit l’impact du jeûne pour l’organisme. Mais les impacts physiologiques existent bel et bien et ils sont inévitables. De quoi inquiéter les clubs qui alignent les joueurs concernés par le ramadan ? Nous allons justement découvrir comment est perçu le ramadan du point de vue des joueurs et des clubs tout en ayant l’éclairage d’une nutritionniste et d’un préparateur physique.
Le jeûne vu par le joueur
Dans le milieu du football, le ramadan peut être vu comme un sujet sensible, voire un peu tabou. Au-delà de l’aspect religieux et de l’intimité que cela incombe, l’idée même de ne pas boire ni manger, en tant que sportif de haut niveau, parait inimaginable, car cela peut causer bien des soucis. Ces soucis peuvent d’abord être physiques, ce qui influera forcément sur la performance. Et si cela influe sur la performance, alors il peut y avoir des conflits directs avec les clubs. Les joueurs eux-mêmes le savent, le ressentent et en ont surtout conscience. Lorsqu’ils jeûnent, ils s’attendent à être moins bien physiquement. « Physiquement, on est fatigué. On est humain donc forcément que l’on est impacté. Mais après, il y a la foi. C’est ce qui fait la différence. Mais c’est sûr qu’au niveau du rendement, c’est moins bien. On a toujours une période de fatigue. À mes débuts, quand je jouais en Italie, j’avais même fait un petit malaise », se rappelle Jamal Alioui, ex-international marocain passé notamment par le FC Sion ou encore Crotone.Alors parfois, certains clubs n’hésitent pas à s’y opposer ou essayer de dissuader les joueurs. Si cela peut être très mal vu, car la religion relève du domaine du privé, il est aussi important de préciser que c’est aussi légitime pour les clubs de vouloir des athlètes à 100% de leur capacité. Et avec le ramadan, ce n’est pas le cas et c’est là où il peut y avoir des problèmes. « Moi je sais que j’ai pu le faire même si j’ai eu certaines tensions dans les clubs où j’étais. On jouait en Coupe d’Europe contre Galatasaray. Je jouais à Sion à l’époque avec le Tunisien Adel Chedli. Le directeur sportif va voir Adel et il lui dit : « les gars demain, c’est la Coupe d’Europe, avec le ramadan et tout… ça va être compliqué », nous on lui a dit qu’il n’y avait pas moyen, on allait le faire. Le lendemain, je joue et je marque. Pareil contre Fenerbahçe, quelque temps plus tard où on nous a dit : « vous commencez à nous prendre la tête avec votre ramadan. » Au final, c’est Tareq Chahib qui marque », raconte Jamal Alioui.Il n’est donc pas rare de voir des clubs inciter les joueurs à ne pas jeûner, et parfois, ce sont carrément les joueurs qui préfèrent ne pas jeûner les jours de match. Chacun est évidemment libre de choisir et l’idée est que chacun soit conscient des conséquences de ses décisions. Lors de la Coupe du monde 2014, les joueurs de l’équipe d’Algérie avaient décidé de respecter le jeûne lors des entraînements, mais certains joueurs préféraient ne pas le faire les jours de match, pour ne pas mettre leur santé et leur corps en danger. Dans ces situations, c’est parfois les entraîneurs qui décident de mettre sur la touche certains joueurs pour limiter les risques de mauvaise performance, mais aussi pour préserver leur santé. « Je sais qu’il y a des entraîneurs qui décidaient de ne pas faire jouer certains joueurs pendant le ramadan pour les préserver. Moi j’ai joué, mais parfois j’espérais ne pas jouer (rires). À Sion, je me rappelle que le premier jour de ramadan, j’étais avec Tariq Chihab. On joue contre les Young Boys Berne. Il faisait très chaud. J’étais titulaire et lui sur le banc. Je souffrais et je le voyais rigoler sur le banc. On a pris 5-0, j’étais vraiment carbonisé », se souvient l’ancien international marocain finaliste de la Coupe d’Afrique 2004.Dans la plupart des cas, les clubs essayent de s’occuper au mieux de leurs joueurs et respectent très souvent leur décision. En 2019, Jürgen Klopp avait d’ailleurs été interrogé sur ce sujet juste avant la finale de Ligue des champions. Cette dernière se déroulait en plein ramadan et ses deux stars Salah et Mané avaient décidé de jeûner quand même. « Le jeûne de mes joueurs ne pose pas de problème… Je respecte leur religion, ils ont toujours été étonnants, qu’ils soient à jeun ou non. Il y a des jours où Mané et Salah arrivaient en retard au vestiaire parce qu’ils priaient. Il y a beaucoup de choses plus importantes que le foot », avait expliqué le technicien allemand. Même son de cloche pour Jamal Alioui lorsqu’il évoluait au FC Sion. « Les clubs en général, ils ont toujours été attentifs à ça. Même à Sion, le président était à l’écoute. Je m’en rappelle qu’il avait demandé au staff de s’occuper de nous, de nous ramener à manger dès qu’on pouvait manger, pour qu’on soit bien. On en parlait librement. » Certains clubs où même certaines sélections essayent aussi de s’adapter. Quand il était sélectionneur de l’Algérie, Christian Gourcuff avait expliqué aménager ses entraînements. Il avait décidé de ne faire qu’un entraînement par jour, l’après-midi, pour aider les joueurs. Mais il faut aussi souligner que d’autres sélections ne préfèrent pas chambouler les habitudes. Par exemple, lors de la Coupe du monde 2014, Didier Deschamps avait expliqué ne rien avoir conseillé à ses joueurs. « Ce sont des sujets sensibles et délicats. Je n’ai rien à ordonner. Les joueurs ont l’habitude, ce n’est pas aujourd’hui que l’on découvre la situation. »Pour autant, le staff n’avait rien préparé non plus. « Le staff n’a rien mis en place, on n’en a pas parlé », avait expliqué Bacary Sagna. Finalement lors de cette compétition et comme pour l’Euro 2016, les joueurs musulmans français avaient décidé de ne pas faire le ramadan. Une décision prise en accord avec Didier Deschamps et son staff. Avec ces compétitions en plein été sous de (très) fortes chaleurs, cette décision peut aussi être compréhensible, car cela peut avoir de lourdes conséquences sur le physique des joueurs et affecter leurs performances. Et dans une Coupe du monde, difficile de prendre le risque de voir les performances diminuer surtout quand on parle d’un joueur clé comme peut l’être un Paul Pogba en Bleus par exemple. La chaleur est sans doute l’un des éléments les plus dangereux pour le jeûneur. C’est ce qui multiplie les risques de blessures, ou de problèmes plus importants. « C’est vraiment le pire. Après la qualification contre l’Algérie en sélection (ndlr : en juin 2011), j’avais joué contre le Sénégal trois jours plus tard à Dakar. Cet été-là, je viens de signer au Qatar. Quand je rentre là-bas, deux jours plus tard, on a un match de Coupe. Je débute et après un simple duel, je me tords la cheville. J’étais out plus d’un mois. Entre la fatigue du déplacement, de l’organisme avec le jeûne, la chaleur, etc. C’est mission impossible. Il fait 48 degrés, tu as beaucoup d’humidité. Ton corps, il ramasse », affirme Jamal Alioui. Le corps est l’outil de travail du footballeur et dans cette période, il est mis à rude épreuve. Il faut donc veiller à bien le préparer.Le jeune vu par le préparateur physique
Dans le milieu du football, le ramadan peut être vu comme un sujet sensible, voire un peu tabou. Au-delà de l’aspect religieux et de l’intimité que cela incombe, l’idée même de ne pas boire ni manger, en tant que sportif de haut niveau, parait inimaginable, car cela peut causer bien des soucis. Ces soucis peuvent d’abord être physiques, ce qui influera forcément sur la performance. Et si cela influe sur la performance, alors il peut y avoir des conflits directs avec les clubs. Les joueurs eux-mêmes le savent, le ressentent et en ont surtout conscience. Lorsqu’ils jeûnent, ils s’attendent à être moins bien physiquement. « Physiquement, on est fatigué. On est humain donc forcément que l’on est impacté. Mais après, il y a la foi. C’est ce qui fait la différence. Mais c’est sûr qu’au niveau du rendement, c’est moins bien. On a toujours une période de fatigue. À mes débuts, quand je jouais en Italie, j’avais même fait un petit malaise », se rappelle Jamal Alioui, ex-international marocain passé notamment par le FC Sion ou encore Crotone.
Alors parfois, certains clubs n’hésitent pas à s’y opposer ou essayer de dissuader les joueurs. Si cela peut être très mal vu, car la religion relève du domaine du privé, il est aussi important de préciser que c’est aussi légitime pour les clubs de vouloir des athlètes à 100% de leur capacité. Et avec le ramadan, ce n’est pas le cas et c’est là où il peut y avoir des problèmes. « Moi je sais que j’ai pu le faire même si j’ai eu certaines tensions dans les clubs où j’étais. On jouait en Coupe d’Europe contre Galatasaray. Je jouais à Sion à l’époque avec le Tunisien Adel Chedli. Le directeur sportif va voir Adel et il lui dit : « les gars demain, c’est la Coupe d’Europe, avec le ramadan et tout… ça va être compliqué », nous on lui a dit qu’il n’y avait pas moyen, on allait le faire. Le lendemain, je joue et je marque. Pareil contre Fenerbahçe, quelque temps plus tard où on nous a dit : « vous commencez à nous prendre la tête avec votre ramadan. » Au final, c’est Tareq Chahib qui marque », raconte Jamal Alioui.
Il n’est donc pas rare de voir des clubs inciter les joueurs à ne pas jeûner, et parfois, ce sont carrément les joueurs qui préfèrent ne pas jeûner les jours de match. Chacun est évidemment libre de choisir et l’idée est que chacun soit conscient des conséquences de ses décisions. Lors de la Coupe du monde 2014, les joueurs de l’équipe d’Algérie avaient décidé de respecter le jeûne lors des entraînements, mais certains joueurs préféraient ne pas le faire les jours de match, pour ne pas mettre leur santé et leur corps en danger. Dans ces situations, c’est parfois les entraîneurs qui décident de mettre sur la touche certains joueurs pour limiter les risques de mauvaise performance, mais aussi pour préserver leur santé. « Je sais qu’il y a des entraîneurs qui décidaient de ne pas faire jouer certains joueurs pendant le ramadan pour les préserver. Moi j’ai joué, mais parfois j’espérais ne pas jouer (rires). À Sion, je me rappelle que le premier jour de ramadan, j’étais avec Tariq Chihab. On joue contre les Young Boys Berne. Il faisait très chaud. J’étais titulaire et lui sur le banc. Je souffrais et je le voyais rigoler sur le banc. On a pris 5-0, j’étais vraiment carbonisé », se souvient l’ancien international marocain finaliste de la Coupe d’Afrique 2004.
Dans la plupart des cas, les clubs essayent de s’occuper au mieux de leurs joueurs et respectent très souvent leur décision. En 2019, Jürgen Klopp avait d’ailleurs été interrogé sur ce sujet juste avant la finale de Ligue des champions. Cette dernière se déroulait en plein ramadan et ses deux stars Salah et Mané avaient décidé de jeûner quand même. « Le jeûne de mes joueurs ne pose pas de problème… Je respecte leur religion, ils ont toujours été étonnants, qu’ils soient à jeun ou non. Il y a des jours où Mané et Salah arrivaient en retard au vestiaire parce qu’ils priaient. Il y a beaucoup de choses plus importantes que le foot », avait expliqué le technicien allemand. Même son de cloche pour Jamal Alioui lorsqu’il évoluait au FC Sion. « Les clubs en général, ils ont toujours été attentifs à ça. Même à Sion, le président était à l’écoute. Je m’en rappelle qu’il avait demandé au staff de s’occuper de nous, de nous ramener à manger dès qu’on pouvait manger, pour qu’on soit bien. On en parlait librement. » Certains clubs où même certaines sélections essayent aussi de s’adapter. Quand il était sélectionneur de l’Algérie, Christian Gourcuff avait expliqué aménager ses entraînements. Il avait décidé de ne faire qu’un entraînement par jour, l’après-midi, pour aider les joueurs. Mais il faut aussi souligner que d’autres sélections ne préfèrent pas chambouler les habitudes. Par exemple, lors de la Coupe du monde 2014, Didier Deschamps avait expliqué ne rien avoir conseillé à ses joueurs. « Ce sont des sujets sensibles et délicats. Je n’ai rien à ordonner. Les joueurs ont l’habitude, ce n’est pas aujourd’hui que l’on découvre la situation. »
Pour autant, le staff n’avait rien préparé non plus. « Le staff n’a rien mis en place, on n’en a pas parlé », avait expliqué Bacary Sagna. Finalement lors de cette compétition et comme pour l’Euro 2016, les joueurs musulmans français avaient décidé de ne pas faire le ramadan. Une décision prise en accord avec Didier Deschamps et son staff. Avec ces compétitions en plein été sous de (très) fortes chaleurs, cette décision peut aussi être compréhensible, car cela peut avoir de lourdes conséquences sur le physique des joueurs et affecter leurs performances. Et dans une Coupe du monde, difficile de prendre le risque de voir les performances diminuer surtout quand on parle d’un joueur clé comme peut l’être un Paul Pogba en Bleus par exemple. La chaleur est sans doute l’un des éléments les plus dangereux pour le jeûneur. C’est ce qui multiplie les risques de blessures, ou de problèmes plus importants. « C’est vraiment le pire. Après la qualification contre l’Algérie en sélection (ndlr : en juin 2011), j’avais joué contre le Sénégal trois jours plus tard à Dakar. Cet été-là, je viens de signer au Qatar. Quand je rentre là-bas, deux jours plus tard, on a un match de Coupe. Je débute et après un simple duel, je me tords la cheville. J’étais out plus d’un mois. Entre la fatigue du déplacement, de l’organisme avec le jeûne, la chaleur, etc. C’est mission impossible. Il fait 48 degrés, tu as beaucoup d’humidité. Ton corps, il ramasse », affirme Jamal Alioui. Le corps est l’outil de travail du footballeur et dans cette période, il est mis à rude épreuve. Il faut donc veiller à bien le préparer.
Le jeune vu par le préparateur physique
Pour bien préparer le corps à ce mois de jeûne, il faut d’abord prendre conscience que l’organisme sera impacté. Mais le footballeur a une chance que d’autres sportifs n’ont pas, il pratique un sport avec des temps de repos contrairement à d’autres sports à endurance continue comme le cyclisme. « La pratique du haut niveau est compliquée pendant le ramadan, mais ce n’est pas incompatible, même s’il y a forcément des risques. Mais bon, si on prend un sport comme le cyclisme, une personne qui fait le ramadan pourra très difficilement tenir la cadence quand le footballeur pourra se débrouiller grâce aux temps morts. Il ne sera pas au top de ses performances à ce moment-là, ses capacités seront réduites, mais il aura des moments où il pourra récupérer »*, explique Maxime Delahaye, préparateur physique de plusieurs joueurs professionnels.
En plus d’avoir une horloge biologique déréglée avec un sommeil perturbé et un organisme qui doit encaisser trois repas en un au moment de rompre le jeûne, le joueur doit aussi réussir à tenir toute la journée après un entraînement. Les clubs de football effectuent très souvent les entraînements en fin de matinée et cela devient très compliqué pour le footballeur de réussir à ne pas violenter son corps. « Si tu as un effort intense et qu’après tu as 8-9 heures à tenir avant de boire ou manger, c’est injouable. Le joueur qui fait le ramadan aura du mal, ça va piquer. Il va piocher encore plus dans les réserves surtout qu’avec la chaleur, c’est encore pire. Si c’est un temps tempéré, tu peux mieux t’en sortir », insiste Maxime Delahaye.
Mais comment se matérialise sur le terrain cette baisse de performance ? Avec un corps qui a moins d’énergie, le joueur va perdre en lucidité et en explosivité. Pour des joueurs qui sont habitués à avoir une grosse débauche d’énergie, à être très réactifs et explosifs, l’impact va être plus important. « Le joueur aura tendance à être essoufflé beaucoup plus rapidement. Il sera moins efficace sur les petits déplacements entre autres. Au bout de quelques minutes, il va déjà piocher dans les réserves. Et la deuxième mi-temps va être compliquée » analyse le préparateur physique. Pour limiter l’impact du jeûne sur Mané ou Salah, les Reds ont tout intérêt à les ménager au maximum aux entraînements pour qu’ils soient frais pour les matchs. « Les stars de Liverpool comme Mané et Salah ont déjà un statut. Jurgen Klopp sait qu’ils ne seront pas au maximum de leur capacité. Pour eux, il faudra essayer d’être beaucoup moins exigeants sur les dernières séances. Ils lèveront le pied juste avant, ils manqueront d’intensité certes, mais ça limitera la casse et ça leur permettra de tout donner sur le match », explique Maxime Delahaye.
Ménager le joueur, limiter la casse, voilà ce qui revient souvent lorsque l’on demande comment préparer un sportif à un mois de jeûne. Les conséquences sur le corps sont inévitables. Pour les préparateurs physiques, l’idée est d’empêcher que ces conséquences soient dramatiques. « Dans la préparation, il y a l’aspect performance certes, mais il y a aussi tout ce qui en découle à côté. L’intérêt, c’est d’avoir le joueur qui ne se blesse pas. On essaye de limiter la casse pour attaquer derrière, c’est plus ça. Pendant le mois de jeûne, on va essayer de ne pas abîmer le corps pour relancer la machine après », détaille le préparateur physique. Et pour préserver le sportif, il faut s’adapter aux conditions, à la chaleur et à tout ce qu’il y a autour. « Individuellement, je m’arrangeais pour décaler les entraînements des joueurs que j’accompagne en fonction des périodes de chaleur. En fin de journée, ils auront logiquement moins de difficulté. Et si le soleil et la chaleur sont encore présents en fin de journée, il faut encore plus s’adapter en essayant d’avoir un maximum de fraîcheur. En trouvant les zones d’ombres sur le terrain par exemple », ajoute-t-il. Tous ces petits conseils aident le joueur à optimiser ses efforts et préserver son corps. Mais ce travail physique doit s’accompagner automatiquement d’un autre élément essentiel: l’alimentation.
Le jeûne vu par le nutritionniste
Lorsque l’on parle du mois du ramadan et encore plus pour le footballeur, on pense immédiatement à l’alimentation. Cette dernière semble être la clé pour réussir à allier la pratique du haut niveau avec une bonne condition physique. Et si certains doutent du fait de pouvoir jeûner lorsque l’on est footballeur professionnel, il est bien possible de le faire. « C’est possible, mais c’est délicat, encore plus quand le niveau est élevé. Il faut s’attendre à ce que les performances soient nettement diminuées et ça tout le monde doit en tenir compte : entraîneurs, joueurs, nutritionnistes », précise Gladys Dibling, nutritionniste du sport qui a collaboré avec des clubs comme l’Olympique Lyonnais ou encore l’Impact Montréal (désormais FC Montréal). Avant même de savoir comment faire pour que le joueur soit préparé à cela, il faut d’abord savoir pourquoi les performances du joueur sont diminuées. C’est en partie parce que le corps n’est pas habitué à faire des efforts à haute intensité sur une aussi longue période de jeûne. « Quand le joueur s’entraîne à jeun, il va d’abord puiser dans l’énergie présente sous forme de glucides dans son sang puis puiser dans ses réserves, et encore plus si l’effort est de longue durée. Le déficit énergétique met l’organisme en situation de souffrance », détaille Gladys Dibling.
Durant cette période, les nutritionnistes doivent davantage cadrer l’alimentation des joueurs, les suivre assidûment pour limiter les risques. Et cette problématique peut-être un véritable casse-tête pour eux, car chaque sportif, chaque corps est différent. Il faut donc s’adapter à chacun. « Chaque organisme est différent et donc chacun va plus ou moins supporter le jeûne. On doit orienter tous les sportifs en fonction de leur métabolisme. Le jeûne diminue la tolérance à l’effort, mais ce risque en fonction de l’hygiène de vie peut être plus ou moins grand », précise la nutritionniste. Les risques, parlons-en justement, car c’est tout l’axe de travail des nutritionnistes dans les clubs. C’est ce qu’ils essayent au maximum de limiter. Le premier risque est sans doute le plus commun : la déshydratation. Lors d’une conférence de presse, Christian Gourcuff déclarait sur le ramadan : « Au-delà de l’alimentation, c’est surtout l’hydratation qui pose réellement un souci et le fait que nous soyons en période estivale est un handicap majeur à ce niveau. Le risque de blessure peut évidemment augmenter. » Alors les nutritionnistes essayent de réduire au maximum cela. « Comment ? Il faut boire en petite gorgée dès que c’est possible. Il faut même casser le jeûne avec l’hydratation, c’est ce que je conseille. Ça permet de solliciter en douceur le système digestif et rénal. Les joueurs doivent manger des aliments riches en eau comme les fruits, les légumes, les salades et même les soupes, c’est très bien», conseille Gladys Dibling. Sans eau et encore plus sous de fortes chaleurs, il est évidemment beaucoup plus compliqué pour le joueur de fournir des efforts intenses.
Le deuxième risque qui est tout aussi commun pour les sportifs au moment du jeûne, c’est l’hypoglycémie. Dans un sport qui demande beaucoup d’énergie, le corps va puiser dans des ressources qu’il n’a pas forcément et cela peut donc déstabiliser l’organisme. « Le taux de sucre dans le sang est vite déséquilibré et encore plus avec les efforts. Pour gérer au mieux cela, il faut gérer les apports en macronutriments. On essaye de limiter les mauvais sucres », explique celle qui a aussi collaboré avec le FC Metz. L’accumulation de tout ça peut entraîner une augmentation du risque de blessure. Lors des périodes de chaleur et avec un organisme plus fatigué que d’habitude, les joueurs doivent faire preuve de discipline concernant leur hygiène de vie et être encore plus sérieux au moment des repas de coupure du jeûne. Mais alors, comment bien se nourrir dans cette période ? Gladys Dibling a quelques petits conseils: « il faut apporter au corps les aliments qui lui permettent d’être suffisamment nourri et sans excès. Ce seront des aliments riches en calories pleines donc avec des nutriments de qualités comme les protéines, glucides, fibres, vitamines, etc. Moi, je conseille souvent à mes sportifs deux repas principaux ou deux repas avec une petite collation. C’est important de bien prendre le temps de manger et de mâcher également. »
Depuis quelques années, il n’est pas rare de voir la coupure du jeûne au même moment que les matchs de football. En 2019, on avait pu voir les joueurs musulmans de l’Ajax Amsterdam s’arrêter en plein match de Ligue des champions contre Tottenham pour aller s’alimenter rapidement. Même lorsque le coucher du soleil est juste avant une rencontre, il n’est pas rare de voir certains joueurs attendre la fin de l’effort pour réellement se nourrir, ce qui signifie donc attendre la fin du match pour prendre son repas. « Les sportifs ont un temps de digestion. Ils doivent attendre de digérer avant de faire des efforts. Quand la coupure du jeune est avant des matchs, c’est parfois préférable de s’hydrater et de manger des choses riches en glucides comme des dattes ou des fruits secs. Je ne conseille pas de manger une soupe ou des repas salés juste avant un match », explique Gladys Dibling.
Enfin dernier point important : le sommeil. Pour un joueur professionnel, le ramadan peut aussi perturber le cycle du sommeil. Le deuxième repas, celui qui suit la rupture du jeûne, intervient à l’aube, quand le sommeil est généralement le plus profond et le plus récupérateur. Par conséquent, les nuits sont souvent perturbées et très courtes. Pour compenser cela, les siestes semblent être la solution. « Quand on prive son corps en énergie, il va devoir s’adapter et il va baisser sa dépense énergétique au repos. Donc le sommeil est un pilier. Il faut essayer de faire une sieste tous les jours et notamment avant ou après l’entraînement », observe la nutritionniste. De façon plus globale, l’idée est donc avant tout d’écouter son corps, de ne pas le brusquer avec une mauvaise alimentation ou avec des efforts trop intenses. Il faut respecter au maximum ses besoins, car comme le précise Gladys Dibling : « le jeûne est bénéfique pour le corps puisqu’il présente de nombreux bienfaits et permet notamment au système digestif de se reposer. De ce fait, il faut savoir le respecter en ayant une alimentation adaptée afin d’obtenir les bénéfices escomptés ». On ne peut trouver une meilleure conclusion.
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