Marième Guèye et le Docteur Nadia Atinouke Tchevidimi Maliki Raimi, respectivement sage-femme et gynécologue au centre de santé Nabil Choucair, ont été jugées ce jeudi 5 mai 2022, devant le tribunal correctionnel de Dakar pour homicide involontaire au préjudice de Aminata Cissé, décédée dans des circonstances déplorables, ainsi que son bébé de 5,6 kilos.
Ce jeudi 5 mai 2022, jour du procès de Astou Sokhna, décédée à la maternité de l’hôpital de Louga à cause d’une négligence médicale, une autre affaire presque similaire à son cas, a été jugée à la Chambre correctionnelle du Tribunal de Grande Instance de Dakar.
En septembre 2015, l’avocat de la partie civile, Me Dramé a saisi la justice en portant plainte contre le centre de santé Nabil Choucair de la Patte d’Oie, pour une affaire d’homicide involontaire. En effet, après son accouchement, la dame Aminata Cissé a confié à sa maman que deux gaillards sont venus s’asseoir sur son ventre pour faire sortir son enfant. Par la suite, son bébé décédera et elle avait les lèvres enflées. Quelques jours plus tard, la dame Aminata Cissé va rendre l’âme. Le certificat de genre de mort va déceler une insuffisance cardiaque pulmonaire dû à une rupture utérine. L’enquête a conduit à l’arrestation de Marième Guèye et du Docteur Nadia Atinouke Tchevidimi Maliki Raimi, respectivement sage-femme et gynécologue au centre de santé Nabil Choucair.
Devant le prétoire, le plaignant, Amsatou Diallo, époux de la dame, explique que ce jour-là, il a acheminé sa femme à l’hôpital aux environs de 6 heures du matin. Il précise qu’en quittant chez lui, la défunte avait déjà commencé le travail. « Quand nous sommes arrivés au centre de santé, les sage-femmes d’accueil l’ont prise en charge et m’ont suggéré d’attendre. Après quelques heures, elles sont venues m’annoncer que le bébé est décédé, mais la maman est vivante. Mon épouse suivait régulièrement ses visites prénatales. Elle était suivie dans une structure de santé qui se trouve aux Parcelles assainies. Quand ma belle-mère est venue me voir, elle m’a dit que sa fille lui avait confié que des gaillards sont montés sur son ventre pour faire sortir le bébé. C’est la raison pour laquelle elle a eu une rupture de l’utérus », narre-t-il.
Des déclarations corroborées par la maman de la victime répondant au nom de Fatoumata Mbaye. Elle dira : « c’est vers les coups de 8 heures du matin que j’ai su que ma fille a été acheminée au centre de santé Nabil Choucair. Je me suis rendue sur les lieux. J’ai voulu entrer, mais les sages-femmes ont refusé. Quelques instants après, j’ai forcé le passage et j’ai vu ma fille dans un état pitoyable avec les lèvres enflées. Lors de ses visites prénatales, les sages-femmes lui avaient clairement dit qu’elle ne pouvait pas accoucher normalement. Elle devait plutôt subir une intervention chirurgicale vu la taille de son bébé. Sur son lit d’hôpital, elle m’a suppliée de la faire sortir de cet hôpital, car elle a failli perdre la vie. C’est ainsi que ma fille m’a confié que deux gardes de l’extérieur sont montés sur son ventre pour faire sortir le bébé, car l’enfant était coincé ».
Interrogée sur les faits, la sage-femme Marème Guèye qui comparait seule devant la barre en l’absence de la gynécologue, a nié les faits qui lui sont reprochés. Elle livre sa relation des faits : « Lorsque la dame Aminata Cissé est venue à l’hôpital, la gynécologue l’a regardée. La patiente présentait quatre pathologies à risque pour un accouchement par voie basse. Quand elle a accouché, j’ai tout de suite pris le bébé pour l’amener à la salle de réanimation. Son bébé était à 5,6 kg. Depuis 20 ans de service, je n’ai jamais vu une pareille taille pour un nouveau-né. La patiente était une femme obèse et diabétique ».
La blouse rose affirme que ce jour-là, le bloc opératoire était en panne et le médecin sous astreinte était injoignable. Elle ajoute que la dame est arrivée au centre de santé, alors que la tête du bébé était déjà visible. « Et au moment de l’accouchement, on lui a fait une super extension des membres inférieurs. Par la suite, elle a eu une déchirure du col. Après l’accouchement, elle ne saignait plus. Elle est décédée le lendemain à 15 heures », explique-t-elle.
Prenant la parole, Me Dramé, avocat de la partie civile, a posé à la prévenue la question de savoir si la gynécologue avait dit que c’était impossible que la dame accouche par la voie normale ? Elle répond par « Oui, je confirme ». L’avocat enchaîne par une deuxième question : « Est-ce que vous avez essayé de la transférer dans une autre structure pour une prise en charge ?». La sage-femme rétorque : « Nous avons appelé dans les structures sanitaires, mais nous n’avons pas pu trouver de place. En plus de cela, le médecin sous astreinte était injoignable. »
Le parquet demandera à l’époux de la dame à quel moment les sages-femmes lui ont fait savoir que sa femme avait une rupture utérine. « Elles ne m’ont rien dit. Ma femme a laissé quatre enfants derrière elle. Et elle les a eus tous par voie basse. Plus de 12 ans de mariage, on ne m’a jamais signalé qu’elle était diabétique », déclare Amsatou Diallo.
Un témoin du nom de Babacar Biaye relate que la dame a été admise au bloc pour réparer la rupture. Il affirme que si le diagnostic avait été fait, peut-être que la dame allait s’en sortir. Il révèle que l’hémorragie était minimale, mais cela a duré.
Quant au Docteur Gassama, il explique que son rôle est de faire de l’anesthésie au centre de santé Nabil Choucair. Il avoue que la défunte s’est endormie après l’accouchement. « Elle a beaucoup saigné. L’anesthésie était risquée, mais il fallait prendre ce risque pour l’opérer », explique-t-il.
Lors de sa plaidoirie, le conseil de la partie civile, Me Dramé a fait savoir que depuis 2014, Fatoumata Mbaye est devenue une mère complètement dévastée, pleurant toujours sa fille. La robe noire a souligné que dans cette affaire, on s’est focalisé sur l’accouchement, mais est-ce qu’on devrait en arriver à ce stade. « Une dame s’est présentée avec un dossier médical qui justifie qu’elle ne peut pas accoucher par la voie normale. Tôt le matin, tout le monde savait qu’elle ne devait pas faire un accouchement normal. Vous savez que vous ne pouviez pas porter une assistance à la dame, car vous n’avez pas les compétences requises. Il ne fallait pas y toucher vu que ce n’est pas de votre ressort », dit-il.
Il laisse entendre qu’Aminata Cissé est morte parce qu’on l’a abandonnée et elle était en danger. « Lorsqu’une personne est en danger, on doit tout faire pour la sauver, surtout quand il s’agit d’un médecin. La gynécologue Nadia n’avait pas beaucoup d’expérience. Elle savait que la dame ne pouvait pas s’en sortir. Ils ont essayé d’appeler Dr. Abdou Ndiaye parce qu’ils étaient pris de panique. Aminata Cissé n’est pas morte de diabète, ni d’obésité, ni de tension artérielle. Il est imputable à la rupture utérine. Rien ne les oblige à prendre une patiente sans avoir les qualités requises. La responsabilité est totale, d’où le délit d’homicide involontaire. Tout l’argent du monde ne fera pas revenir Aminata Cissé ».
Suffisant pour la défense de réclamer la somme de 100 millions de francs Cfa pour tous préjudices confondus.
Le parquet, dans son réquisitoire, indexe le gynécologue Nadia, d’être la responsable et mentionne que si Aminata Cissé avait été prise en charge très tôt, le diagnostic de rupture pouvait être décelé. Ainsi, il requiert deux ans ferme et décerne un mandat d’arrêt contre Nadia Riami. Pour Marième Guèye, le parquet retient qu’elle n’a fait qu’exécuter des ordres. Sur le plan pénal, on ne peut lui imputer un quelconque délit. Ainsi, il plaide pour sa relaxe. Du côté de la défense assurée par Me Demba Ciré Bathily, l’accouchement s’est fait normalement même si le bébé est mort. Ils ont aidé la dame, car elle était de forte corpulence.
Le jugement sera rendu le 02 juin prochain…