Les bombes ne tomberont pas sur Bamako…par Madiambal Diagne
Quel homme politique sénégalais ou responsable de la Société civile s’accommoderait de voir à la tête de son pays, une junte militaire pendant presque deux ans et que cette même junte demande à s’octroyer un «mandat cadeau» de 5 ans ? Sept bonnes années, une durée de mandat que ne prévoit même plus aucun autre pays membre de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) ! On peut répondre, sans aucun risque de se tromper, qu’il n’existe pas un homme politique sénégalais si peu scrupuleux ! Alors pourquoi certaines personnalités publiques voudraient-elles tolérer au Mali, ce qu’elles refuseraient dans leur propre pays ? C’est justement cela le manque de respect et de considération pour le Peuple malien. C’est le péché de la condescendance que de nombreux Africains, notamment les Maliens, reprochent toujours, à tort ou à raison, à leurs voisins sénégalais !
Macky Sall avait sauvé la tête au régime de Assimi Goïta
Les militaires dirigés par Assimi Goïta ne veulent pas encore rendre le pouvoir à des autorités civiles, conformément à leur engagement au lendemain du putsch contre le Président Ibrahim Boubacar Keïta (IBK) en août 2020. Nous ne nous y étions pas trompés, considérant que ce putsch était parti pour consacrer la conservation du pouvoir par un régime totalitaire et qu’il ferait des émules. Dans l’euphorie, de nombreux amis au Mali, semblaient ne pas comprendre notre opposition farouche à ce coup d’Etat militaire et croyaient en la promesse d’une Transition courte. Pour autant, nous avions soutenu la position du Sénégal qui s’était dressé, en fâchant d’autres pays membres de la Cedeao, pour ne pas durcir les sanctions préconisées contre le Mali.
A l’occasion du Sommet de la Cedeao, par vidéo-conférence, sur le Mali, tenu le 21 août 2020, le Président Macky Sall, prenant certainement en compte les intérêts économiques et stratégiques du Sénégal, avait tenu tête devant la volonté de ses pairs, Alassane Dramane Ouattara, Mahamadou Issoufou et Alpha Condé, qui après avoir prôné une intervention militaire immédiate, refusée par le Sénégal et le Burkina Faso, demandaient d’asphyxier le Mali pour contraindre les militaires à rendre le pouvoir. D’ailleurs, les militaires maliens s’étaient montrés très reconnaissants à l’endroit du Sénégal et du Président Sall, qui avait ainsi sauvé leur tête. En jouant la carte de donner foi à leur engagement, Macky Sall et Roch Marc Christian Kaboré du Burkina Faso croyaient en la promesse des militaires de faire long feu au pouvoir.
Par la suite, les atermoiements des militaires pour respecter le calendrier d’une transition courte, devenaient de plus en plus évidents ; jusqu’à ce qu’un deuxième coup d’Etat militaire soit perpétré par le groupe des colonels maliens, pour écarter de la Transition, le Président Bah Ndaw et le Premier ministre Moctar Ouane, qui semblaient hostiles à la confiscation totale du pouvoir. Dans ces mêmes colonnes, nous ne voulions pas encore nous tromper sur les intentions des putschistes et préconisions de mettre le Mali sous administration provisoire de l’Onu (voir Le Quotidien du 25 mai 2021). Il était souligné en effet que «nous avions cherché à attirer l’attention sur les dangers de la validation du putsch militaire, qui avait eu raison du régime, (…), de Ibrahim Boubacar Keïta (Ibk).
Nous ne savions pas si bien dire, car on a vu que le 31 mars 2021, des militaires tentèrent d’empêcher l’installation de Mohamed Bazoum, nouvellement élu Président du Niger ; des soldats ivoiriens avaient de leur côté, tenté de prendre la caserne militaire d’Akouedo à Abidjan, et des militaires confisquer le pouvoir au Tchad à la mort de Idriss Déby. D’ailleurs, le 26 avril 2021, nous disions : «Gare à la nouvelle vague de putschistes !»
Le régime de Assimi Goïta se savait déjà sur la corde raide et a cherché à assurer sa propre sécurité, en allant se payer les services de mercenaires russes (Voir la chronique du 4 octobre 2021 : «La solution Wagner ou le cynisme de la junte malienne»). Dans tout cela, quel est l’honneur légendaire des Forces armées maliennes (Fama), quand les chefs sous-traitent leur sécurité et celle de leur pays à des bandes de mercenaires ? Franchement, la dignité de Assimi Goïta et de ses camarades aurait été plus sauve si la Russie les avait respectés, tant soit peu, pour leur envoyer le moindre contingent de l’Armée régulière russe ! Encore que nul n’ignore les frasques de la milice Wagner en Centrafrique, Libye, au Mozambique ou encore en Ukraine.
De guerre lasse, la Cedeao voudrait sortir l’artillerie lourde contre Bamako comme en 2012
On ne le dira jamais assez ! Qui a pu être surpris par le putsch, le 5 septembre 2021, en Guinée, perpétré par le Colonel Doumbouya pour déposer le Président Alpha Condé ? Qui peut être surpris par les velléités de putsch tuées dans l’œuf au Burkina Faso, la semaine dernière, avec l’arrestation de militaires dirigés par le Lieutenant-colonel Emmanuel Zoungrana ? Ainsi, ce ne serait pas jouer aux oiseaux de mauvais augure mais si l’on n’y prend garde, n’importe quel chef de garnison pourra se lever un beau matin pour écourter, par les armes, des mandats de chefs d’Etat qu’il considérerait avoir déçu.
Les organisations sous-régionales comme la Cedeao et l’Uemoa, n’avaient d’autre choix que de corser les sanctions contre le Mali pour contraindre la junte à quitter le pouvoir. Assiste-t-on au «remake» de la situation de mars 2012, quand un embargo total contre le Mali avait été décidé par l’Union africaine, pour contraindre le régime du capitaine Amadou Haya Sanogo à rendre le pouvoir, qu’il avait pris des mains du Président Amadou Toumani Touré ? Dix ans après, on constate les mêmes tares au sein de l’élite malienne. L’histoire se répète tristement. A ce propos, nous demandions, le 24 janvier 2013, «Est-ce qu’ils sont sérieux ?»