Limogeage : Les choses s’éclaircissent, voici la lettre incendiaire de Dr Cheikh Dieng au ministre

by amadou

Les spéculations persistent quant aux raisons du limogeage de Cheikh Dieng de son poste de directeur de l’Office national de l’assainissement du Sénégal (ONAS). Le journal L’AS a récemment mis en avant une « gestion clanique » de sa part, avec des recrutements de ses proches, et a souligné ses relations tendues avec le ministre de l’Hydraulique et de l’Assainissement, Cheikh Tidiane Dièye.

Le journal Source A corrobore ce dernier point, laissant entendre que Cheikh Dieng a été démis de ses fonctions à la suite d’une lettre incendiaire adressée à son ministre. Datée du 31 juillet, jour du Conseil des ministres ayant acté son départ et son remplacement par l’ingénieur hydrogéologue Séni Dieng, cette lettre répondait à une interpellation ministérielle sur des accusations graves de surfacturations et de favoritisme, envoyée deux jours auparavant.

L’affaire concerne l’attribution des marchés de curage des canaux à Dakar (Lot 1) et dans les autres régions (Lot 2) aux entreprises Tawfekh Taysir et Delgas. Selon l’ex-directeur général de l’ONAS, les travaux à Dakar, notamment au bassin de la Zone de captage et au Canal 6, représentent 55% de la valeur du marché. Ces travaux ont été exécutés à 100% pour les premiers et à 97% pour les seconds entre le 27 juin et le 28 juillet, bien que la durée contractuelle soit de quatre mois.

Pour le lot 2, Cheikh Dieng affirme que les taux d’exécution sont très bons, atteignant 100% à Louga et Dagana. Ces performances auraient été saluées par les gouverneurs des localités concernées, à l’exception de ceux de Diourbel (5%) et de Matam (travaux non commencés), lors d’une réunion d’évaluation organisée par le ministère de l’Hydraulique et de l’Assainissement.

Afin de réfuter les accusations de surfacturation, Cheikh Dieng détaille les coûts : « Dans votre lettre, vous mentionnez que les précédentes opérations de curage du bassin de la Zone de captage ont été facturées à 83 millions de francs CFA par l’entreprise VICAS pour un marché de clientèle (2021, 2022 et 2023). Cela revient à un coût de 66 400 francs par camion de 20 m3 de curage évacué à Mbeubeuss, soit presque un dixième du coût de revient réel. Cela est impossible. »

L’ancien directeur précise que les travaux nécessitent la mobilisation de « six engins lourds dont quatre de type moyen, à raison de 450 000 francs CFA (y compris le gasoil) pour 8 heures de travail par engin, et deux de type long bras à raison de 700 000 francs CFA (y compris le gasoil) par engin. » Il explique que ces engins doivent être mobilisés pendant 30 jours pour les petits et 15 jours pour les grands, ce qui équivaut à un coût total d’environ 130 millions de francs CFA pour toute la période de curage. Le coût total, incluant la location des camions et la mobilisation des engins, s’élève à 315 millions de francs CFA, montant conforme à l’offre financière de 300 millions hors TVA de l’entreprise adjudicataire.

Concernant le curage des canaux facturé à 18 000 francs CFA le mètre contre 5 600 francs CFA dans les marchés précédents, Cheikh Dieng se fie à ses estimations : « Le curage de 100 mètres linéaires de canal, avec une profondeur variant de 2 à 3 mètres, représente en moyenne 300 à 450 m3 de sable. Rien que l’évacuation de ce sable nécessite 15 à 22 camions de 20 m3 à raison de 100 000 francs CFA par camion, soit 1,5 à 2,2 millions de francs CFA, sans compter le coût de la mobilisation d’un chargeur et la main d’œuvre. Le coût de revient varie donc de 15 000 à 22 000 francs CFA par mètre. Ainsi, le prix de 18 000 francs CFA par mètre est justifié si le travail est réellement effectué. »

La précision « si le travail est réellement effectué » est cruciale dans l’argumentaire de Cheikh Dieng, servant à justifier les écarts entre les offres financières du marché dénoncé par le ministre et les prix des marchés précédents. Dans sa lettre, il affirme que les entreprises « moins disant » avaient une stratégie bien rodée : proposer des prix très bas pour éliminer la concurrence, mais au lieu de réaliser le travail demandé, adopter des pratiques condamnables pour se faire payer. « On comprend dès lors pourquoi des inondations ont été notées dans la Zone de captage en 2021 et 2022 », conclut-il.

Cheikh Dieng accuse également son ex-patron : « Vous me notifiez votre décision de suspendre la procédure de passation des marchés relatifs aux travaux et de faire une entente directe avec des entreprises de votre choix. Je ne peux prendre l’initiative d’une telle procédure totalement illégale visant à renforcer des positions hégémoniques. Conforter les positions hégémoniques d’un petit groupe d’entreprises qui se disent ‘majors’, tout en fermant le secteur aux autres Sénégalais, perpétue un système de gestion opaque. Ces positions sont souvent acquises et conservées par des pratiques contraires au Jubanti, engagement du gouvernement et des autorités publiques. »

Il note que la Direction centrale des marchés publics (DCMP) « a donné son avis favorable sur l’attribution provisoire des marchés aux entreprises Tawfekh Taysir et Delgas », et défend que « la procédure de passation a été déroulée convenablement et sans aucune entorse aux procédures ».

senenews

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