iGFM- Il qualifie de catastrophe ce qui s’est passé. Un drame qui, selon lui, ne devait pas survenir dans cette structure hospitalière de renom dans laquelle lui et son épouse avaient placé toute leur confiance. Réda Saleh ne peut retenir ses larmes. Au bout du fil, c’est un papa, ayant besoin de reprendre son souffle entre deux confessions, qui a accepté de nous conter sa tragique journée.
«Ma femme Karima Yassine Saleh a donné naissance, le 07 octobre 2021, à 10H14mn, à la suite d’une césarienne, à un beau bébé en pleine forme. Notre petite princesse mesurait 52 cm et pesait 3,400 kilogrammes. Elle s’appelait Roya. Elle est née en bonne santé, sans aucun problème. A la suite de sa naissance, on nous l’a amenée pour que sa maman lui donne le sein. Elle m’engeait bien. Elle se portait bien. Tout était merveilleux. Dans la matinée du vendredi, le pédiatre Dr Hussein Joubaïly, chargé du suivi du bébé, nous dit qu’il a vu l’enfant, tout se passait bien, mais qu’il faudrait quand-même faire une petite analyse de sang pour vérifier le taux de bilirubine. Suite à ces analyses, il annonce que le bébé avait une petite jaunisse. Il prescrit des séances de photothérapie de deux heures espacées d’une heure de pause. Il nous a même dit qu’on l’avait fait avec notre premier enfant. A 14H, notre fille qui a fini de téter, repart à la nurserie pour démarrer les séances de photothérapie. Juste avant, j’avais amené mon fils de trois ans pour le présenter à sa sœur. Ils nous l’ont ramenée vers 18 heures. Elle était bien. Sauf qu’elle avait le corps un peu chaud. Pour moi, ce n’était rien. Je pensais que c’était normal, surtout qu’elle avait bien pris le sein de sa maman. Vers 19 heures, la nurse vient la reprendre pour nous la ramener vers 20H30. Elle avait toujours le corps chaud. Ils lui avaient retiré ses habits. Ils ne lui avaient laissé qu’un simple body ouvert et sa couche. Elle avait les cheveux transpirants. Je l’ai remis à sa maman pour qu’elle tète, mais elle n’avait pas de réaction. C’est comme si elle était fatiguée. Elle ne bougeait pas beaucoup. J’ai essayé de la stimuler, de lui caresser l’oreille, elle n’avait toujours pas de réaction. Elle n’a pas ouvert la bouche. Malgré cela, sa maman l’a blottie contre elle. Puisqu’elle avait l’air de dormir profondément, on l’a remis dans son berceau. A 22H, la nurse revient la récupérer pour enclencher une nouvelle séance de photothérapie. J’en profite pour lui faire part de son état. Je lui ai dit que ma fille était chaude et qu’elle a refusé le sein. Notre petite est repartie à 22H avec la nurse et …voilà.
«Je me fais balloter entre les deux services jusqu’à, finalement, qu’une nurse me dise…»
On ne sait pas ce qui s’est passé dans la nuit du vendredi à samedi. On imagine qu’elle a suivi des séances de photothérapie. On ne sait pas de combien d’heures. Combien de temps de pause. Si elle n’a pas été oubliée sous l’appareil. On n’a aucune information de ce qui s’est passé.
Le samedi matin, ne voyant pas comme d’habitude le berceau à 07H ou 07H30mn au grand maximum dans la chambre, je commence à m’inquiéter. Un peu avant huit heures, j’appelle la nurserie, je demande après mon bébé et on me dit d’appeler le service Néonatal. Le service Néonatal me dit d’appeler la Nurserie. Finalement, je rappelle la Nurserie. Je me fais balloter entre les deux services jusqu’à, finalement, ce qu’une nurse me dise, au bout du fils, que le pédiatre Hussein Joubaily allait me contacter dans 5 minutes. Ma femme, qui m’écoutait parler aux différents services, commence à paniquer. Il était 08H30mn. J’avais des frissons dans tout le corps. A la demande de ma femme, j’appelle en panique le docteur. Après plusieurs appels, il me répond. Je lui ai posé beaucoup de questions à la fois. Qu’est-ce qui se passe ? Pourquoi le bébé n’est pas en chambre ? Est-ce que tout va bien ? Il me répond que Non, tout ne va pas bien. Le docteur me dit de le rejoindre au 6e étage. Ce que je fais en courant, comme n’importe quel papa quand il y a quelque chose qui ne va pas pour son enfant. Je monte en catastrophe, mais je ne le trouve pas. Je l’appelle et je l’entends sortir d’un bureau d’un des couloirs du 6e étage.
«Ils m’ont dit qu’ils ne connaissent pas les circonstances du décès»
Quand ma femme m’a vu sortir de la chambre, elle s’est déplacée pendant mon absence. Elle n’arrivait même pas à se déplacer parce qu’elle a subi une chirurgie importante. Mais elle a oublié son mal pour retrouver son bébé. Elle a fait tous les étages de la clinique pour me chercher afin de savoir ce qui se passe. Elle s’est même présentée au service de Nurserie, mais on lui a claqué la porte.
Dr Hussein Joubaily me fait entrer dans le bureau du responsable de la clinique de la Madeleine, Dr Mahmoud Aïdibé, que je ne connais que de vue. Il était 09H. Et là, d’un coup, je me retrouve dans son bureau. Il y avait aussi le gynécologue de ma femme et une autre pédiatre, la nièce de Aïdibé. J’essaie de décrypter le regard de chacune de ces personnes qui me fixent. J’ai ressenti que quelque chose de grave s’était passée. J’étais complétement désemparé, abasourdi. J’avais peur d’entendre ce qu’ils ont à me dire. Là, on me dit tout simplement en résumé : ‘’Il s’est passé quelque chose, on a été appelé en urgence pour venir voir votre bébé qui a été retrouvé amorphe au moment où ils l’amenaient prendre son bain. On ne sait pas ce qui s’est passé. C’est juste la volonté de Dieu. Il faut l’accepter. Soyez fort et courageux pour votre femme.’’ Dans leurs explications, ils m’ont fait savoir qu’ils ont appelé d’urgence les deux pédiatres pour réanimer le bébé. Ils ont tenté de le faire avec un masque. Ce qui n’a pas abouti. Ils m’ont dit qu’ils ne connaissent pas les circonstances du décès. Ils ne sont pas capables de me dire ce qui s’est passé. Ils ne m’ont livré aucune explication de ce qui a engendré la mort de mon enfant. Parmi ces têtes, seul le gynécologue de ma femme a eu un discours plus pragmatique que les autres. Il les a mis devant leurs responsabilités en leur disant que les parents ont besoin de connaître la vérité sur ce qui s’est produit pour arriver à cette fin. Après cela, le gynécologue est venu dans la chambre pour nous réconforter. Il est le seul à nous avoir soutenus. Il a essayé de nous consoler. Je n’ai reçu aucun signe de compensions de la part des trois autres, même pas un message de condoléances.
Avant de nous informer cette tragédie, ils étaient déjà dans le bureau du responsable de la clinique en train de se concerter, sûrement pour cacher peut-être l’incident avant de venir informer les parents. Personne n’a pris le soin de venir nous voir pour nous informer. Je suis allé chercher l’information auprès d’eux. C’est par notre instinct paternel et maternel qu’on a demandé notre bébé.
«Malgré son état, ma femme est descendue jusque dans la rue pour essayer de comprendre»
Après avoir appris le décès de notre fille, je suis allé voir ma femme. Je l’ai cherchée dans toute la clinique. C’est à l’entrée de la clinique que je l’ai retrouvée. Malgré son état, elle est descendue jusqu’à dans la rue pour essayer de comprendre. Elle avait fait tous les étages de la clinique pour me chercher. Elle était en pleurs. Elle me demandait ce qui se passe. Je l’ai ramenée dans la chambre pour lui annoncer délicatement que notre bébé est retourné au ciel. En tant que parents, nous voulons connaître la vérité sur les circonstances du décès. Nous allons faire notre deuil, ça s’est sûr, on va se soutenir, on va s’en remettre au Bon Dieu pour surpasser cette épreuve. Mais, on ne peut pas passer à côté de ce qui s’est passé. La mort a été confirmée vers 06H30. Ils ont tenté de nous cacher qu’elle a été brûlée. Mais j’ai vu l’état dans lequel elle se trouvait, brûlée. Je me suis recueillie devant elle. Je l’ai gardée longuement dans mes bras. J’ai trouvé des cloques de brûlure sur toute l’étendue de son corps. La peau du bébé était décollée par des cloques. Elle avait des brûlures partout. La tête, sur les paupières, le ventre, les jambes. Il y avait des rougeurs. Le haut du crane avait commencé à noircir. Ce que j’ai vu, ce n’est pas notre bébé, c’est une catastrophe. Ce qui est arrivé est inqualifiable, intolérable. C’est la volonté divine, mais les circonstances ne sont pas tolérables pour une clinique de ce niveau auquel on a projeté toute notre confiance. Avec ma femme, nous avons décidé de lancer une procédure judiciaire. Nous avons déposé une plainte contre la clinique de la Madeleine au commissariat du Plateau pour déterminer les circonstances du décès de notre fille Roya. Le pédiatre concerné, c’est le docteur Hussein Joubaily. Là, on est toujours bloqué pour inhumer le corps du bébé. Nous attendons l’autorisation d’inhumer pour enterrer notre bébé et poursuivre notre combat pour connaître la vérité.»
AIDA COUMBA DIOP