Deux jours après son refus de jouer lors de la journée de lutte contre l’homophobie, le choix du milieu de terrain sénégalais a été largement critiqué sur la scène politique, mais aussi par son club qui précise qu’il s’agissait d’un choix personnel. Le joueur, qui réfute être homophobe, garde le silence.
Le hasard réserve parfois de bien curieuses coïncidences. Ce lundi, Jake Daniels est devenu le premier joueur professionnel en activité à faire son coming out au Royaume-Uni depuis 30 ans. La révélation du joueur de Blackpool — la première depuis celle de John Fashanu dans les années 1990 — n’est pas qu’un événement outre-Manche.
Bien qu’elle n’ait aucun lien de cause à effet, celle-ci intervient deux jours, tout juste, après qu’Idrissa Gueye a été considéré comme le premier joueur de l’Hexagone à ne pas avoir souhaité prendre part à la 37e journée de Ligue 1 placée sous le signe de la lutte contre l’homophobie. Samedi, lors du déplacement du PSG à Montpellier, le milieu de terrain sénégalais a été écarté à sa demande de la feuille de match bien qu’il était apte à jouer d’un point de vue physique.
Une affaire qui, après avoir notamment été évoquée dans nos colonnes dimanche 15 mai, a pris ce lundi matin une autre tournure, le débat dépassant le cadre du football pour s’inviter sur la place publique et le terrain politique. Valérie Pécresse, la présidente de la région Ile-de-France n’a pas hésité à réagir à la controverse, allant même jusqu’à demander des sanctions.
Roxana Maracineanu trouve le choix du joueur regrettable
« Les joueurs d’un club de football, et ceux du PSG en particulier, sont des figures d’identification pour nos jeunes. Ils ont un devoir d’exemplarité. Un refus d’Idrissa Gana Gueye de s’associer à la lutte contre l’homophobie ne pourrait rester sans sanction ! » a-t-elle posté sur Twitter en mentionnant même le compte officiel du PSG dans son message. Dans un entretien qu’elle nous a accordé, la ministre des Sports Roxana Maracineanu a, elle, jugé « regrettable » le choix de l’international sénégalais. Mais elle se refuse à demander de le pénaliser, renvoyant cette décision au PSG. « Le club l’a mis de fait devant ses responsabilités en évoquant une motivation personnelle, souligne-t-elle. Maintenant, la balle est dans son camp. À titre personnel, je trouve cela regrettable qu’il n’ait pas souhaité jouer. Je ne vais pas me substituer à son employeur, c’est à lui de voir quelles suites donner à cette affaire. »
« Je ne sais pas comment les clubs ont présenté l’initiative à leurs salariés, ajoute la ministre. Si mettre un maillot avec des numéros arc-en-ciel peut paraître anodin, c’est un geste important et symbolique qui permet d’éduquer notre jeunesse. Un joueur peut refuser de le mettre, nous sommes en démocratie, mais je le répète de nouveau, je trouve cela regrettable. » Et elle n’est vraisemblablement pas la seule. Si elle a provoqué tous types de réactions sur les réseaux sociaux, la décision du joueur n’a en revanche pas divisé en interne. Le club, qui s’est envolé dans la nuit de samedi vers Doha pour une tournée commerciale de deux jours auprès de partenaires, s’était montré plutôt discret sur le sujet durant le week-end.
Mais lundi soir, après 48 heures de silence radio, le club s’est désolidarisé de son joueur. « Idrissa Gueye n’était pas dans le groupe pour des raisons individuelles et personnelles, a ainsi fait savoir le PSG. Cette décision lui appartient. Le PSG a toujours tenu à combattre toute forme de discrimination et l’a de nouveau fait ce week-end. » En interne, si on se dit fier que Messi et Mbappé aient donné de la résonance à l’événement, on n’a guère apprécié le geste « discutable » du joueur.
« Il y a peu de chance qu’on en arrive à une rupture de contrat »
Dans l’entourage de Gueye, et c’est bien tout le paradoxe de cette affaire, on ne goûterait pas l’ampleur prise par l’affaire et surtout les raccourcis qui tendraient à faire du Sénégalais quelqu’un d’homophobe. « Tous ceux qui le connaissent savent qu’Idrissa n’est pas homophobe, assurent d’ailleurs plusieurs de ses proches. Mais plutôt quelqu’un d’ouvert sur les autres. » En témoignent, selon eux, les nombreuses actions caritatives menées par le joueur qui, jeudi dernier encore, organisait une soirée de bienfaisance au profit d’enfants victimes du cancer et du sida.
Au cœur, depuis 48 heures, d’une tempête médiatique qu’il n’a pas vu venir, le Sénégalais ne comprend pas le procès d’intention qui lui est fait. S’il refuse, pour l’heure, de prendre la parole, c’est justement qu’il estime savoir qui il est et ne pas avoir à expliquer les interprétations alentour. Une réaction qui pousse certains à penser qu’au-delà de convictions individuelles, il n’est pas à exclure que le joueur ait pu faire ce choix pour ménager certains de ses proches. Reste à savoir quelle conséquence aura son choix sur la suite de son aventure à Paris. Le club et le joueur ne s’épargneront pas un entretien autour de cette affaire. Mais comme l’explique Tatiana Vassine, avocate spécialisée dans le droit du sport, « il y a peu de chance qu’on en arrive à une rupture de contrat ».
Pour Maître Jean-Jacques Bertrand, en fonction du motif, justifiable ou non, avancé par le joueur, « les sanctions pourraient aller du simple rappel à l’ordre, à l’avertissement, en passant par la suppression de la prime d’éthique ». Une sanction à laquelle avait été soumis Hatem Ben Arfa pour ne pas s’être rendu en stage au Qatar et qui sera jugée en appel le 17 janvier prochain.