Mesdames, résignons-nous à être violées !
Justice pour Louise, encore une fois nous entrons dans une bataille feignant d’ignorer que nous l’avons perdue d’avance. Les indignations sélectives ne nous feront pas avancer dans la lutte contre les violences faites aux femmes au Sénégal.
Des femmes, sont violées tous les jours, dans le plus grand des silences. Ce n’est pas un sujet que l’on traite avec sérieux, c’est une réalité que l’on occulte volontairement, et ce sont des souffrances que l’on nie ouvertement . Parfois même, on en rit publiquement !
Le mépris que l’on affiche envers les femmes victimes de viol au Sénégal, est une violence avec laquelle nous devons continuer à vivre . Il nous faut continuer de l’accepter malgré nous.
Et il en sera ainsi, tant que nous penserons que les plaidoiries doivent venir des autres, ou des féministes, à chaque fois qu’un cas est médiatisé. Que chacun commence par balayer devant sa porte. Les violeurs ne viennent pas de la planète Mars, ils sont bien sénégalais, ils vivent avec nous, et parfois dans nos maisons. Ils sont nos oncles, nos frères, nos amis ou même nos propres pères.
Parce que notre culture du « mougn » et du « soutoureu » s’impose toujours avec rigueur aux femmes, mais aussi parce que nos institutions religieuses et étatiques, nos dirigeants de tous bords n’ont que faire de nos souffrances, de nos doléances face aux violences physiques et sexuelles que nous pouvons subir au sein de notre société.
Mesdames, résignons nous alors à être violées et violentées au pays de la Térangua !
Que faut-il attendre d’une société qui criminalise le vol de bétail avant le viol ?
Comment exiger justice pour Louise avec une jurisprudence pas si lointaine, en faveur d’un accusé libre de tout mouvement, et qui de surcroit se pavane à assemblée nationale ?
Les actes que nous avons laissés poser, il n’y a pas si longtemps, livrent déjà des résultats catastrophiques pour le traitement et les procédures en cas de viol supposés ou avérés. Nous n’avions rien dit. Du moins, nous étions peu à alerter sur les dangers que pouvaient constituer la posture publique d’une grande majorité de sénégalais.
Maintenant, nous y sommes !
On ne saurait être dans un pays de droit avec une justice plus rapide et sévère avec les uns mais moins expéditive avec les autres, en considération de leur position politique. Messieurs les criminels, la criminalisation du viol au Sénégal, est un pur concept, qui ne va pas au-delà de la théorie, en fonction du mis en cause.
Il n y a donc malheureusement rien d’exceptionnel, rien de nouveau avec le cas de Louise.
Hormis le fait que son supposé violeur soit le fils de Cheikh Yérim SECK, journaliste- chroniqueur connu et reconnu pour ses analyses, mais aussi pour son passé où il a été condamné pour viol. Rappelons le, ce dernier, comme toute personne, ne saurait plaire à tout le monde.
Souleymane SECK , 19 ans élève dans un lycée français aurait donc « «violé » Louise sa camarade de 15 ans, filmé la scène qu’il a partagée à ses camarades. Il y aurait eu une plainte restée sans suite : silence radio en ce qui concerne les faits criminels reprochés au jeune homme.
Après ce silence assourdissant, coup de théâtre, le voilà placé sous mandat de dépôt, preuve que la machine judiciaire est enclenchée !
Pour une fois, saluons l’exemplarité et la rapidité de la justice, mais en même temps la forte mobilisation autour d’une accusation de viol, avec des circonstances aggravantes pour le mis en cause.
La justice sénégalaise gagnerait à instaurer une sérénité sociale en nous édifiant rapidement sur les questions de viols et d’agressions sexuelles, quelle que soit la victime, et quel que soit le criminel présumé. Le temps n’est jamais un élément réparateur en ces circonstances douloureuses, tant pour les victimes et que pour leurs familles .
Au contraire, le sentiment d’injustice accentue les souffrances et les traumatismes à vie.
Paradoxalement, on s’offusque que le jeune homme ne soit pas exclu de son lycée français. Il aurait peut-être fallu arriver à cette exclusion, pour préserver la jeune Louise qui doit vivre un calvaire moral et émotionnel dans l’enceinte scolaire. Et la diffusion des vidéos portant atteinte à sa dignité demeure une violence supplémentaire qu’il nous faut traiter socialement pour sensibiliser nos adolescents.
On se réjouit du mandat de dépôt concernant le jeune Souleymane SECK, l’arborant tel un trophée pour la cause des femmes. Il ne faut pas s’y tromper, c’est la démonstration d’une injustice dans son expression la plus entière. La justice sénégalaise à démontré son injustice !
Mandat de dépôt pour Souleymane SECK et contrôle judiciaire pour Ousmane SONKO : deux poids, deux mesures.
La justice, elle doit être équitable et exemplaire pour tous !
Justice pour Louise, il le faut encore une fois, et plus que jamais !
Cependant, ne réclamons pas justice dans l’injustice. Celle que nous commettons en alpaguant, en vilipendant Cheikh Yérim SECK qui n’est pas juridiquement responsable des agissements supposés de sa progéniture désormais majeure et pénalement responsable ses propres actes.
Au nom d’un passé que nous lui connaissons tous, Cheikh Yérim SECK, lui, a payé sa dette à la société sénégalaise, ce qui n’est pas encore le cas pour tout le monde dans ce pays, qu’on se le dise ! Des milliers d’hommes circulent librement alors qu’ils ont violé des femmes, des petites filles. Nous le savons, nous le voyons et nous nous taisons.
Il est utile de rappeler que tout criminel, qui qu’il soit à le droit à la réinsertion sociale une fois sa peine purgée, afin de retrouver sa citoyenneté. Cette citoyenneté à laquelle nous devons tenir plus que tout et en toutes circonstances.
Alors, foutons la paix à Cheikh Yérim SECK !
Encore une fois, ne faisons pas d’amalgames et ne demandons pas plus de sévérité et d’exemplarité pour Souleymane SECK qui demeure présumé innocent pour le viol, quand une réalité bien plus violente est présente à l’assemblée nationale de notre pays.
La culture du viol démontre malheureusement sa forte présence au sein de notre société, et son symbole fort qui se pavane à l’assemblée nationale, en demeure le signal le plus ahurissant, le plus effarant.
Soyons juste dans nos combats et luttons ensemble avec la même énergie, peu importe la personne mise en cause dans une affaire de viol ou de violences sexuelles.
Que Souleymane SECK réponde à la justice pour les accusations de viol sur Louise, mineure de 15 ans, sans aucune complaisance par rapport à son père. Qu’il soit puni pour le non-respect de la dignité, de l’atteinte à la vie privée commise sur Louise.
Que Cheikh Yérim SECK défende son fils de toutes ses forces et qu’il l’accompagne comme tout parent le ferait en de pareilles circonstances. C’est une obligation et un droit pour lui.
Que chacun d’entre nous agisse avec discernement et objectivité, et que le combat pour une justice pour toutes les femmes du Sénégal face aux violences et aux viols reste juste, entier, collectif, permanent et non sélectif.
Gabrielle KANE