Le 17 juin dernier, le président de la République, Macky Sall, portait un dernier acte pour sceller le sort de l’ex enquêteur de la Section de Recherches de Colobane, l’ex Capitaine Oumar Touré, devenu célèbre pour avoir annoncé avec fracas sa démission de la gendarmerie en indexant des pressions à cause de son implication dans le dossier opposant le député Ousmane Sonko à la masseuse Adji Sarr.
Trois semaines plus tard, l’ex officier de la gendarmerie a reçu notification de sa radiation des contrôles de la gendarmerie nationale sénégalaise, qui met un terme à sa carrière de militaire. C’est lui-même qui en a fait l’annonce à travers une lettre publique. Selon les textes qui régissent l’organisation générale de la Défense nationale, « l’état militaire cesse, pour le militaire de carrière, lorsque l’intéressé est radié des cadres, pour le militaire servant en vertu d’un contrat, lorsque l’intéressé est rayé des contrôles. »
Après avoir reçu la notification, consécutive au décret n°2021 – 830 du 17 juin 2021, portant sa radiation des cadres de la gendarmerie nationale sénégalaise et ne faisant plus partie des forces armées actives, puisque versé dans les réserves comme soldat par le président de la République, Oumar Touré, a annoncé avoir repris son habit de citoyen lambda, qui « se consacre à (sa) famille et à (ses) activités personnelles, en attendant l’ouverture de nouvelles perspectives. »
La signature de sa lettre « Monsieur Oumar Touré, étudiant en Sciences Juridiques et Politiques », laisse croire qu’il pourrait reprendre les études à la FAC, lui qui est déjà titulaire d’un Master en Droit, avant d’accomplir « huit (08) années, six (06) mois et quatorze (14) jours de service actif au sein de la gendarmerie sénégalaise ».
Emedia vous propose l’intégralité de sa lettre.
«
Mes très chers compatriotes,
Aujourd’hui mercredi 07 juillet 2021 j’ai reçu notification de ma radiation des contrôles de la gendarmerie nationale sénégalaise, consécutif au décret n°2021 – 830 du 17 juin 2021, portant ma radiation des cadres de la gendarmerie nationale sénégalaise.
J’ai été incorporé dans la gendarmerie nationale le 03 décembre 2012 et nommé au grade de sous-lieutenant (premier grade d’un officier d’active) par le décret 2015-301 du 09 mars 2015, après quoi, j’ai accompli huit (08) années, six (06) mois et quatorze (14) jours de service actif au sein de la gendarmerie sénégalaise.
Mon serment de gendarme fut « je jure d’obéir à mes chefs en tout ce qui concerne le service auquel je suis appelé et, dans l’exercice de mes fonctions, de ne faire usage de la force qui m’est confié que pour le maintien de l’ordre et l’exécution des lois et règlements » article 03 du décret 74-683 du 09 juillet 1974. Dans le cadre du service auquel j’ai été appelé, j’ai toujours essayé de faire de ce serment un crédo et une devise, dans mes relations avec mes collègues et avec les citoyens de notre pays.
Je m’en vais surement mais le temps passé ensemble a tissé entre vous (gendarmes) et moi des liens forts et sincères, que l’épreuve du temps aussi rude soit -elle ne peut défaire. Au-delà des relations fraternelles, l’objectivité m’impose, si demain on m’interpellait sur le meilleur service public de la République du Sénégal, de répondre sans hésiter que c’est la gendarmerie nationale. La gendarmerie n’est et ne sera jamais à l’image d’un seul homme quel que soit sa personnalité, son comportement ou sa position hiérarchique mais la somme de sacrifice et le reflet d’hommes et de femmes qui sont les remparts de la cité partout et chaque jour.
Ce fut un grand honneur d’avoir pu servir mon pays en tant que gendarme et surtout un privilège d’avoir côtoyé les hommes de valeur qui composent cette arme. J’ai appris et compris avec vous que l’honneur et la Patrie sont une réalité, un vécu et non de simples mots gravés sur un insigne, que l’on prononce pour les besoins d’une cérémonie ou pour un discours parfois aux antipodes des aspirations et de la réalité de la troupe. Merci pour tout.
Je profite de l’occasion pour adresser mes sincères remerciements et ma gratitude au peuple sénégalais et à toutes ces personnes qui, à travers les réseaux sociaux dans le monde entier m’ont apportés leur soutien et continuent de le faire aujourd’hui encore. Je sais que vous croyez en la vérité et à la justice, raison pour laquelle je me suis jamais senti seul durant toute cette épreuve. Je vous invite humblement à garder cette lancée et à aimer d’avantage votre patrie car elle (la patrie) est le repère et la fierté de chacun d’entre nous. L’amour de la patrie n’est pas une chanson mais un comportement à adopter. Ce comportement commence par nos relations de chaque jour, de respect, de discipline, de l’acceptation de l’autre et de la tolérance entre concitoyens que nous sommes.
Dans ce monde d’aujourd’hui où tout semble être fait, pour plaire aux autres, pour paraître bien, je vous recommande respectueusement à avoir le courage d’affronter le jugement des autres en faisant ce qui vous semble bien pour votre patrie et non ce qui semble bien pour les autres. L’ancien Directeur du FBI, James COMEY dans son ouvrage mensonges et vérités reprend Ralph Waldo Emerson qui disait « il est aisé dans le monde de vivre selon l’opinion du monde ; il est aisé dans la solitude de vivre selon sa propre opinion ; mais le grand homme est celui qui, au beau milieu de la foule, conserve avec une parfaite douceur l’indépendance de la solitude ». Nous sommes tous ce grand homme, si nous le voulons vraiment.
Je remercie ma famille, mes parents et mon épouse en particulier, qui n’ont jamais douté de moi et m’ont permis de trouver la force de croire en mes idéaux.
Je remercie mes camarades et proches civils et militaires, qui depuis le premier jour n’ont cessé de m’apporter un soutien indéfectible.
Aujourd’hui je ne fais plus partie des forces armées actives sénégalaises, par conséquent, je me consacre à ma famille et à mes activités personnelles en attendant l’ouverture de nouvelles perspectives.
Toujours se rappeler que nos grades, titres et fonctions éphémères sont certes importants car ils nous permettent d’exister dans la société. Mais ne jamais oublier que nous sommes avant tout des êtres humains. Et si un titre, une fonction ou un grade prend le dessus sur votre être alors vous perdez le contrôle de ce qu’est le vrai sens de la vie de l’être humain.
Dieu garde le Sénégal
Je vous remercie. »
Monsieur Oumar Touré, étudiant en Sciences Juridiques et Politiques.
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