Interpellé sur le démantèlement présumé des Centres de traitement des épidémies (CTE), Dr Babacar Niang a fait de graves révélations, devant le Jury du dimanche (JDD), ce 1 août. Le Médecin-Chef de Suma Assistance et membre de l’Ordre des médecins est catégorique : « du matériel du public est vendu aux structures sanitaires du privé. » « La maison Keur Serigne Mboup bi et d’autres revendeurs qui ont pignon sur rue, te sortent tout le matériel que tu veux. Ce n’est pas normal. Tout ministre de la Santé qui vient, la première recommandation qu’on lui fait, c’est de ne pas soulever ce lièvre. On achète par des revendeurs qui sont agréés. Il y a d’autres même qu’on voit, c’est des bricoleurs. Même eux, ils ont le formulaire. (Pour) les gants de protection, actuellement, si vous ne mettez pas 7 000 F CFA, vous n’avez pas une paire. »
Conflit d’intérêts d’un médecin officiant dans le public et dans le privé
Poursuivant, il ajoute : « on est les plus grands perdants, nous qui sommes installés que dans le privé. Puisque déjà, ils recrutent à l’hôpital. ’’Je dois vous opérer, je n’ai pas le temps à l’hôpital, venez avec moi dans ma structure’’. C’est des choses qui ont été anormales pendant longtemps. Au ministère de la Santé, quand vous commencez à travailler là-bas, il y a une caisse, et vous recevez votre part tous les mois. Ça part de là-bas : on te fait une commande de deux milliards F CFA, tu amènes 100 appareils, on t’en prend dix, on te rend les 90. Qu’est-ce que vous allez faire de ces 90 appareils ? »
Par rapport aux médecins officiant dans le public et dans le privé, il a reconnu que « c’est encadré légalement. Parce qu’une loi leur permet, à partir de 16 heures, de faire la médecine privée. » Mais « dans les faits, il y a des abus, a-t-il relevé pour s’en désoler. Car, « il y a des publics qui font même leur privé dans l’hôpital. Nos amis Français ou Burkinabés, quand ils viennent au Sénégal, c’est tout un tas d’histoires. ’’Professeur, on m’a soigné dans un hôpital, je ne vous paie pas’’. Mais le Sénégalais, lui, il est habitué. Il a toujours l’argent pour le payer », a-t-il appuyé.
« L’oxygène vendu aux malades en détresse »
Du coup, on est loin de la « complémentarité » qui devrait exister entre les établissements publics et le secteur privé : « on a des réunions qu’ils appellent leur secteur privé. Quand on y va, on a plus de public que de privé. Des bailleurs de fonds disent qu’ils ont déjà trop donné à l’État », a, par ailleurs, dévoilé le spécialiste des Urgences.
Comment le secteur privé est associé à la stratégie de riposte ? « On a jamais été associé. On n’a même été éloigné. Derrière l’argent, le diable se réveille. Quand cela ne va pas maintenant, on nous dit ’’venez-vous regrouper, on va vous aider’’. Mais nous, on n’a pas besoin d’aide, c’est la population sénégalaise qui en a besoin. Je vous dis qu’il y a des malades qui payaient 900 000 F CFA d’oxygène pendant leur hospitalisation. » A l’en croire, c’est quand il a proposé que l’oxygène soit subventionnée par l’État, qu’on lui a dit ’’tu es privé, tais-toi. (D’abord), on n’a pas à te donner de l’oxygène pour tes malades’’. C’est là aussi que j’ai dit si vous baissez l’oxygène, je baisse la facturation. Pendant ce temps-là, vous entendez ce qui se passe actuellement parce qu’il y a un gros débat entre le Pr Seydi et les organisations, on dit que l’oxygène est en tension. »
Il a émis des réserves sur l’approche CTE, évoquant « un business ». A la place, l’urgentiste a plaidé pour la décentralisation des soins. Autrement dit, a-t-il reformulé que « la médecine s’approche de la population ».
Par ailleurs, a-t-il préconisé, « il faut créer un cadre indépendant, un plateau scientifique de gens qui n’ont peur de rien, et qui nous donnent des analyses », à côté du Comité national de gestion des épidémies (CNGE), « pour donner les bonnes informations à nos autorités ».
EMEDIA