L’idée d’une alliance politique inédite, regroupant les grandes forces d’opposition, semblait prendre forme au Sénégal. Une inter-coalition incluant la « Nouvelle responsabilité » d’Amadou Ba, « Taxawu Senegaal » de Khalifa Sall, l’Alliance pour la République (Apr) de Macky Sall, et le Parti Démocratique Sénégalais (PDS) de Karim Wade devait constituer un front commun pour les législatives du 17 novembre prochain. Ce bloc visait notamment à réduire l’influence grandissante du Pastef d’Ousmane Sonko. Cependant, Amadou Ba, ancien Premier ministre et figure de la « Nouvelle responsabilité », s’est opposé fermement à cette union.
Le projet d’inter-coalition, qui aurait réuni des personnalités telles que Macky Sall, Amadou Ba, Karim Wade et Khalifa Sall, a échoué principalement en raison de la position intransigeante de Ba. Fidèle à ses principes, il a rejeté ce qui était perçu comme une manœuvre politique visant uniquement à contrer l’émergence du Pastef. Selon lui, la quête d’une majorité parlementaire pour l’opposition ne justifie pas de sacrifier des valeurs fondamentales. Amadou Ba a ainsi refusé de céder aux pressions pour rejoindre cette alliance, estimant que toutes les stratégies ne sont pas acceptables dans la course au pouvoir.
En plus de son refus d’une alliance avec Macky Sall, Amadou Ba est confronté à des tensions internes au sein de son propre parti, l’Apr. Il fait face à des accusations de la part du Pds, qui l’accuse d’avoir corrompu les juges du Conseil constitutionnel lors de la dernière élection présidentielle. Malgré ces attaques, Ba reste ferme dans sa décision de ne pas rejoindre la coalition avec Khalifa Sall, Macky Sall et leurs alliés, prônant une ligne politique plus éthique. Cette décision a conduit à l’éclatement de l’inter-coalition en une série de petites alliances locales.
À la place de ce grand bloc unique, l’opposition se présentera donc de manière fragmentée aux élections, avec des alliances adaptées aux affinités politiques locales. Cette approche rappelle la stratégie des coalitions « Yewwi Askan Wi » et « Wallu Sénégal » lors des législatives de 2022, qui avaient également misé sur des partenariats régionaux.
L’échec de cette grande coalition révèle également des fractures profondes entre Amadou Ba et Macky Sall. Ba avait été désigné par Macky Sall pour représenter le camp présidentiel à la présidentielle du 24 mars, mais cette candidature avait suscité de vives critiques au sein de la coalition Benno Bokk Yaakaar. De nombreuses voix, publiques ou discrètes, avaient exprimé leur mécontentement du choix de l’ex-président Macky Sall, d’autres au contraire, lui reprochant de ne pas avoir soutenu pleinement Amadou Ba. Certains observateurs estiment même que ce manque de soutien, notamment en ce qui concerne le financement tardif de sa campagne, avait joué un rôle dans la défaite d’Amadou Ba lors de cette élection.
Sur le plan des législatives, chaque coalition présentera ses propres listes. La coalition Samm Sa Kaddu, dirigée par le maire de Dakar, Barthélémy Dias, regroupera « Taxawu Senegaal », le PRP de Déthié Fall, « Les Serviteurs » de Pape Djibril Fall, et d’autres forces politiques comme le PUR de Serigne Moustapha Sy et le Mouvement AGIR de Thierno Bocoum. De son côté, Amadou Ba a été désigné leader de la coalition « Jamm Ak Njariñ », qui comprend la « Nouvelle responsabilité », la LD, l’AFP, et une partie du PS, anciens alliés de Benno Bokk Yaakaar.
Le troisième grand bloc, composé de l’Apr, du Pds, de Rewmi et de leurs alliés libéraux, n’a pas encore annoncé son leader, bien que le profil d’Abdoulaye Daouda Diallo, ancien président du Conseil économique, social et environnemental, soit pressenti.
Les résultats des législatives de novembre seront décisifs pour définir la répartition des forces au sein de l’opposition et les futurs rapports de force au Parlement.