Pour le juge constitutionnel, fixer le scrutin au 2 juin reviendrait à « créer un vide institutionnel non prévu par la Constitution », contredisant le « principe à valeur constitutionnelle de sécurité juridique et de stabilité des institutions »
Le Conseil constitutionnel a rendu le 5 mars dernier une importante décision concernant l’organisation de l’élection présidentielle prévue en avril prochain. Réuni en session extraordinaire à la demande du président de la République, le gardien de la Constitution sénégalaise s’est prononcé sur trois questions clés soumises à son avis juridictionnel.
Report de la date du scrutin : non conforme à la Constitution
Dans un premier temps, le Conseil constitutionnel a analysé la proposition de reporter la date du scrutin au 2 juin 2024. Cette option avait émergé lors des discussions du dialogue politique national. Cependant, selon la haute juridiction, un tel report « ne trouverait de base légale ni dans la loi électorale ni dans [sa] décision n°1/C/2024 » du 15 février précédent.
En effet, dans sa décision précitée, le Conseil constitutionnel avait jugé que « la date de l’élection du président de la République ne peut être reportée au-delà de la durée du mandat qui arrive à terme le 2 avril 2024 ». Or, fixer le scrutin au 2 juin reviendrait à « créer un vide institutionnel non prévu par la Constitution », contredisant le « principe à valeur constitutionnelle de sécurité juridique et de stabilité des institutions ».
Citant abondamment sa propre jurisprudence, le Conseil a estimé que « la durée du mandat du président de la République ne peut être réduite ou allongée au gré des circonstances politiques ». Il en a conclu que la date du 2 juin était « non conforme à la Constitution ».
Maintien de la liste des 19 candidats validés
S’agissant de la seconde question, le Conseil a rappelé avoir examiné et validé la liste des 19 candidats à l’élection présidentielle par ses décisions des 12 janvier et 20 février derniers. Ni la Constitution, ni le Code électoral ne prévoient d’autres modalités de détermination de cette liste, a-t-il souligné.
En outre, l’article 92 de la Loi fondamentale dispose que les décisions du Conseil constitutionnel « ne sont susceptibles d’aucune voie de recours et s’imposent à toutes les autorités ». Il a donc jugé que seul un réexamen de candidatures en cas de « double nationalité découverte postérieurement » était envisageable, conformément à l’article 34 de la Constitution.
Non applicabilité de l’article 36 alinéa 2
S’agissant enfin de l’accord sur l’application de l’article 36 alinéa 2 garantissant la continuité de l’État, le Conseil a estimé que cette disposition ne s’appliquait pas en l’espèce. En effet, celle-ci régit le cas où « le mandat du Président en exercice arrive à son terme après l’élection de son successeur ».
Or, dans la présente situation où l’échéance du mandat approche sans qu’un nouveau Président n’ait été élu du fait du report du scrutin, « l’arrivée à terme du mandat […] n’est pas prévue par la Constitution ». Le Conseil a donc jugé que cet article « n’est pas applicable » si le scrutin n’a pas lieu avant la fin du mandat actuel.
Cette décision du juge constitutionnel, longuement motivée, vient donc clore le débat sur les principales questions liées à l’organisation de l’élection présidentielle dont la date butoir du 2 avril approche à grands pas. Le processus électoral semble devoir se dérouler tel que prévu initialement par le cadre constitutionnel et législatif en vigueur.