Abi Mané, nièce de Youssou Ndour, est responsable de la création de grille des programmes et de la coordination entre services à BET TV. Pendant ses études, elle a fait du mannequinat et a notamment défilé pour le styliste Sadio Bee à l’occasion des 10 ans du Quai Branly.
Parlez-nous de votre parcours universitaire et de votre expérience professionnelle ?
J’ai toujours eu un intérêt pour les médias. Après l’obtention du bac Littéraire, j’ai effectué une licence en Lettres édition média et audiovisuel à la Sorbonne. Mais j’ignorais vers quel poste m’orienter. Cette licence proposait plusieurs branches qui je savais, me permettrait de trouver ma voie. Et ça n’a pas manquait. Après l’obtention de la licence, j’ai décidé de m’inscrire au MBA ESG production audiovisuelle. Ce MBA m’a permis d’allier apprentissage théorique et pratique. J’ai donc effectué un stage à la fin de ma première année de master, et je pense que c’est là où tout a commencé. J’occupais le poste de chargée de programmation chez le groupe Gong média. Toutes ces responsabilités m’ont permis d’acquérir des compétences et surtout de me tester professionnellement grâce à l’attente qu’on avait de mon poste. A la suite de ce stage, j’ai effectué une alternance pour ma deuxième année de MBA à France Télévisions en tant qu’assistante chargée de négocia>on et acquisition des programmes pour les chaines 1ère. Ce fut l’une de mes plus belles années, j’ai été en compagnie de deux formidables tuteurs qui m’ont accompagnée, encouragée, enseignée durant toute une année et aujourd’hui encore. J’ai pu découvrir toutes les facettes d’un grand groupe audiovisuel. Avec mon MBA en poche, j’ai intégré la chaine BET en tant que coordinatrice de programma>on. Je dois l’avouer, je ne pouvais pas rêver mieux : J’ai découvert le milieu du travail pendant mes études, en travaillant les week- ends en tant que serveuse dans un restaurant. Ce chemin parcouru m’a permis aujourd’hui de « savourer » mon évolution professionnelle. Je tenais à intégrer cette industrie, faire ce que j’aime et grâce à ce poste que j’occupe aujourd’hui c’est un rêve qui est devenu réalité. Je travaille pour une chaîne qui me correspond et me ressemble. BET est une chaîne internationale sur la culture afro-américaine. La chaine diffuse notamment des cérémonies tel que les BET Awards, qui regroupent les plus grands artistes de la culture afro-américaine (Rihanna , Cardi B, Migos , Mary J Blige, Beyonce etc…) , également des films , des séries , des émissions TV, des clips. Je suis responsable de la création de grille des programmes, de la coordination entre services (marketing– presse – régie– production…), de l’auto promotion de la chaîne et de la Conduite d’antenne. Je porte un grand intérêt pour La culture africaine et aussi américaine depuis toujours. J’écoute de tous les genres musicaux, du RNB au Mbalax. C’est vrai que ma première passion est avant tout la musique.
En parallèle, j’ai aussi une passion pour la mode : j’ai eu la chance de défiler pour le talentueux styliste Sadio Bee notamment à l’occasion des 10 ans du quai Branly.
Est-il facile pour une femme noire d’évoluer dans le milieu de l’audiovisuel français ?
Durant mon expérience professionnelle j’ai eu la chance de ne jamais faire face à une quelconque discrimination. Mais je pense que malheureusement nous sommes parfois involontairement toujours sujette à des stéréotypes, donc l’effort apporté doit être double, le comportement doit être maitrisé, les compétences doivent être davantage justifiées… C’est surement perçu comme une injustice pour certains. Je dois avouer que pour moi ça forge l’esprit, ça permet de ne jamais perdre ses objectifs de vue. De ne jamais se reposer sur ses lauriers car nous sommes constamment mis au défi. Je n’ai jamais eu peur du racisme, je suis née et ai grandis en France en sachant pertinemment d’où je venais, d’où mes parents venaient et en le revendiquant haut et fort. C’est une chance pour moi, de faire partie de deux cultures. Le milieu de l’audiovisuel est challengeant car on est amené à analyser les habitudes et intérêt de chacun donc il faut faire face à certaines réalités pour répondre aux attentes du téléspectateur.
A quels défis faites-vous face au quotidien ?
Je pense que le défi premier auquel je fais face est le fait de devoir se justifier, prouver… Revendiquer des connaissances ne suffit pas. Et c’est un très bon exercice. Il faut constamment démontrer par A+B ce pour quoi on est convaincu d’avoir raison. Des choses qui nous paraissent les plus évidentes, ne le sont pas pour tout le monde. C’est un milieu où il faut convaincre tous les profils, donc il faut savoir s’adapter, employer le même langage pour se faire entendre, et aussi savoir se remettre en question. Parfois faire des concessions pour revenir plus tard avec des arguments plus pertinents. Il faut savoir anticiper -, toujours avoir une longueur d’avance sur les priorités et surtout voir plus loin que le bout de son nez. C’est un milieu qui permet d’évoluer aussi bien professionnellement qu’humainement car les nerds peuvent parfois être mis à rude épreuve.
Quel regard jetez-vous sur l’espace audiovisuel sénégalais dont votre oncle Youssou Ndour est l’un des plus grands promoteurs ?
C’est avant tout une fierté bien sûr! L’industrie audiovisuel sénégalaise n’a rien à envier aux autres pays, elle a su démontrer tous ses atouts. Et tout ça a été possible car des personnes comme mon oncle y ont cru. Il connait la force de ce pays, la force de sa culture. A mes yeux, le contenu audiovisuel et la capacité d’innovation sont les principales forces du Sénégal. les médias sénégalais maitrisent leur sujets, connaissent leur public et savent de quoi et comment lui parler. Ils ont tout compris. En France par exemple, les médias revoient constamment leur stratégie de communication, ils courent après l’évolution des mentalités. Les idéologies changent constamment et au Sénégal, l’audiovisuel évoluent avec les téléspectateurs et répond simultanément à ses attentes. On est évidemment pas sur la même échelle aussi bien démographiquement qu’économiquement mais c’est des réalités sur lesquelles il faut se pencher.
Avez-vous des projets pour le Sénégal, votre pays d’origine ?
Oui, mon projet numéro 1 est de maitriser le wolof. J’essaye de venir plus fréquemment au Sénégal. Donc ça ne saurait tarder 🙂 J’espère un jour pouvoir exporter les contenus audiovisuels sénégalais à l’international. A mes yeux le Sénégal a une telle puissance identitaire que je suis certaine qu’elle peut s’étendre à travers le monde à l’image de la carrière de mon oncle. C’est indéniable et on est sur la bonne voie. Je pense qu’il manque juste une certaine structuration pour rendre tout cela accessible aux autres pays.
L’audiovisuel sénégalais se signale de plus par un boom de séries qui connaissent un grand succès. Quel regard jetez-vous sur ce phénomène?
Le Sénégal maitrise ses sujets et ils les abordent d’une telle manière qu’il touche tout le monde. Je connais des gens d’origine française, ivoirienne ou autre qui regardent les séries sénégalaises en wolof sous-titrées sur Youtube. Chaque épisode possède des millions de vues. C’est assez incroyable et comme je le disais le contenu est la force de ce pays, mais les moyens sont limités et je pense qu’aujourd’hui il faut investir sur ce plan pour pouvoir étendre l’industrie
audiovisuelle du Sénégal. On a le fond mais on ne maitrise pas encore la forme comme l’Amérique du sud ou encore le Nigéria qui font doubler leur télénovelas et les distribuent à l’international. Au Sénégal, on peut voir une nette évolution, notamment la qualité de la production, de l’écriture des scénarios, ils évoquent des sujets qui reflètent la réalité. Pourquoi pas voir un jour une série sénégalaise sur Netflix ?